Existe-t-il un lien entre l'autisme et la consommation de sucre ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir si il a un lien entre l'autisme et la consommation de sucre : les personnes ayant des troubles autistiques peuvent-elles avoir une dépendance plus forte au sucre? Une trop grande consommation de sucre peut-elle augmenter les symptôme d'autisme?
Bien cordialement,
J.Al
Réponse du Guichet
Les troubles autistiques s'accompagnent souvent de troubles de l'alimentation. Parmi eux, l'hypersélectivité alimentaire est identifiée comme pathologie fréquente. Une hypersensibilité sensorielle ou le stress subit par les personnes autistes pourrait favoriser une alimentation "plaisir". Un potentiel lien biologique entre addiction au sucre et autisme reste encore à l'étude. Une hypothèse est avancée : un dysfonctionnement du traitement neuronal et de signalisation de l'ocytocine pourraient être à l'origine d'une altération des circuits de la récompense et contribuer à une surconsommation de sucre.
Bonjour,
Les troubles de l'alimentation sont courants chez les personnes autistes, notamment chez les enfants. C'est ce qu'indique la Dr Laurence Robel, auteure de l'ouvrage intitulé L'autisme : 100 questions/réponses (page 23) :
Les troubles de l'alimentation sont très fréquents chez les enfants autistes. Ils peuvent se manifester très tôt dans la vie de l'enfant, par des difficultés de succion, des épisodes d'anorexie chez le nourrisson, des régurgitations et des vomissements. Ils apparaissent parfois plus tard, après l'âge de 3-4 ans, et se manifestent par une sélectivité alimentaire : l'enfant ne mange que des aliments qu'il connaît déjà, n'accepte que des aliments d'une certaine texture, d'une certaine couleur, d'une certaine catégorie, typiquement, les laitages et les féculents. Certains enfants refusent de mâcher et gardent une alimentation moulinée, d'autres ne consomment que des aliments sucrés, acides ou amers. Cette sélectivité alimentaire peut entraîner un déséquilibre des apports nutritionnels avec l’apparition de carences dans certaines vitamines et minéraux. Enfin, certains enfants présentent un pica, caractérisé par l'ingestion de substances non comestibles, par exemple des cailloux, du sable, la peinture murale, une coprophagie caractérisée par l'ingestion de leurs selles.
Ces troubles du comportement alimentaires sont une des manifestations des difficultés des enfants autistes face aux changements, face à la menace intrusive représentée par ce qui vient de l'extérieur, et sont liés à leur sensibilité à certaines caractéristiques perceptives telles que la texture, l'odeur ou l'apparence. Par ailleurs, certains enfants présentent des compulsions alimentaires, ou une potomanie caractérisée par l'ingestion de quantité de liquides trop importante, qui peuvent être à l'origine de prises de poids importantes ou de déséquilibre ioniques. Ces comportements alimentaires sont difficiles à modifier et à tolérer pour l'entourage, et peuvent être à la source de troubles et de douleurs d'origine digestive.
L'hypersélectivité alimentaire
Dans l'extrait d'article suivant, quelques données statistiques sont mentionnées et l'hypersélectivité alimentaire est clairement indiquée comme pathologie la plus fréquente :
Les problèmes alimentaires sont courants chez les personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme : 46 à 89 % d’entre elles en souffriraient. Ce phénomène était au centre du colloque Autisme & Moeilijke eters, organisé à Anvers le 14 mars.
Au moins cinq fois plus de risques en cas d’autisme
La proportion de personnes avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) affectées par un problème alimentaire dépend de divers facteurs, dont la catégorie d’âge. Selon différentes enquêtes, 46 à 89% d’entre elles seraient concernées, a indiqué le Dr Petra Warreyn (UGent) durant la conférence. Il est aussi apparu que le risque de trouble alimentaire serait 5 fois plus élevé chez les personnes avec un TSA.
La sélectivité alimentaire est le problème le plus fréquent (70% des troubles alimentaires chez les personnes souffrant d’un TSA). Elle peut être basée sur le type d’aliment, la texture, le goût, la couleur… Les autres problèmes courants incluent :
- La régurgitation ou le fait de garder les aliments en bouche (18%), le pica (15%)
- Les troubles de la motricité buccale (15%)
- Les problèmes relatifs au contexte du repas : heure et lieu, présentation et service (40%)
Les personnes avec un TSA sont donc sensiblement plus nombreuses à développer un trouble alimentaire, mais Marleen D’hondt (logopède, UZGent) a précisé que seulement 3% de ce groupe développait des problèmes inquiétants.
source : Autisme & troubles alimentaires vont souvent de pair
Comment l'expliquer ?
Le site Autisme Info Service nous en présente quelques raisons :
Les troubles alimentaires chez les personnes autistes
Les causes de ces troubles alimentaires peuvent être diverses :
- troubles d’origine sensorielle (couleurs, odeurs, textures, bruit, goût) ;
- difficultés de mastication ou de déglutition ;
- problèmes de satiété (alimentation insuffisante ou trop importante).
L’autisme entraîne parfois une hyper sélectivité alimentaire. Les parents se trouvent souvent perdus face aux refus de certains aliments par leur enfant. Les troubles alimentaires peuvent en effet être problématiques en matière d’apports nutritionnels et d’intégration sociale.
L’hyper sélectivité alimentaire
L’hyper sélectivité alimentaire peut s’exprimer sous différentes formes chez les enfants autistes. Ils peuvent refuser de manger certains aliments selon leur goût, leur odeur, leur forme, leur couleur ou leur texture. L’environnement et les habitudes jouent également un rôle dans le comportement alimentaire des personnes autistes. Certains enfants vont par exemple vouloir manger toujours dans la même assiette, d’autres manger seulement des soupes de couleur rouge, d’autres vont accepter de manger à la maison, mais pas à la cantine ou au restaurant, etc.
Les personnes autistes ont une perception différente et s’attachent notamment plus aux détails. L’enfant autiste pourra alors manger des rondelles de carotte et refuser une carotte coupée en carrés ou accepter une marque de nourriture et refuser toute autre marque équivalente.
Certaines personnes autistes peuvent être plus sensibles et souffrir d'hypersensibilités sensorielles. Lire cet article pour en savoir plus : L'hypersensibilité sensorielle chez l'enfant ou l'adulte présentant un trouble du spectre de l'autisme (TSA)
Physiologiquement, la consommation d'aliments sucrés, gras, et salés active des zones cérébrales liées au plaisir et à la récompense. On mange pour s’apaiser. Les personnes autistes vivent davantage d’anxiété et de situations stressantes ce qui favoriserait ce type de prise alimentaire.
L'article intitulé Autism And Adrenal Stress indique que l'état de stress des personnes autistes pourrait les amener à consommer davantage de sucre :
La réponse au stress surrénalien initie le flux sanguin loin de l'abdomen et vers les muscles qui travaillent, affectant ainsi l'apport d'oxygène et de nutriments vers et depuis l'intestin. Le foie est stimulé pour fournir une plus grande production de glucose afin d'alimenter les muscles pour la réponse surrénalienne « combat ou fuite ». Ce faisant, il stresse le pancréas, affectant la glycémie et provoquant parfois un besoin d'aliments riches en sucre.
Lire aussi : Autisme et troubles du comportement alimentaire et Les rigidités alimentaires chez les enfants vivant avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA) - Causes et pistes de solution
Existe-t-il un lien biologique entre troubles autistiques et addiction au sucre ?
Des chercheurs de l’Université de Bâle ont récemment mis en évidence un lien entre un gène impliqué dans l’autisme et une perturbation de la voie de signalisation de l’ocytocine dans le système de récompense : les effets de l’ocytocine sur le cerveau seraient réduits chez les personnes autistes.
source : Autisme: un gène réduit les effets de l’hormone ocytocine
Or, une signalisation altérée de l'ocytocine pourrait probablement contribuer à une surconsommation de sucre.
C'est ce qu'indique l'étude intitulée Neural Basis of Dysregulation of Palatability-Driven Appetite in Autism / Anica Klockars, Tapasya Pal, Allen S. Levine & Pawel K. Olszewski - Current Nutrition Reports, volume 10, pages 391–398 (2021) :
Le traitement neuronal anormal au niveau du système de récompense est au moins en partie responsable de la consommation excessive d'arômes agréables au goût, y compris le sucre. La signalisation altérée de l'ocytocine (OT) contribue probablement à l'ampleur de cette surconsommation.
L'étude suivante montre que la sensibilité au goût et les difficultés sociales chez les personnes autistes impliquent les mêmes zones du cerveau : Neural correlates of taste reactivity in autism spectrum disorder / Jason A. Avery, John E. Ingeholm, Sophie Wohltjen, Meghan Collins, Cameron D. Riddell, Stephen J. Gotts, Lauren Kenworthy, Gregory L. Wallace, W. Kyle Simmons, and Alex Martina.
Elle a également démontré qu'une "réactivité gustative accrue autodéclarée dans les TSA est associée à des réponses cérébrales accrues aux stimuli liés à l'alimentation et à une connectivité fonctionnelle atypique du cortex gustatif primaire, ce qui peut prédisposer ces individus à des schémas inadaptés et malsains de comportement alimentaire sélectif."
A lire aussi :
- Response of neural reward regions to food cues in autism spectrum disorders / Carissa J Cascio,corresponding, Jennifer H Foss-Feig, Jessica L Heacock, Cassandra R Newsom, Ronald L Cowan, Margaret M Benningfield, Baxter P Rogers, and Aize Cao
- The association between sugar-sweetened beverages and milk intake with emotional and behavioral problems in children with autism spectrum disorder / Si Tan, Ning Pan, Xiaoyu Xu, Hailin Li, Lizi Lin, Jiajie Chen, Chengkai Jin, Shuolin Pan, Jin Jing, Xiuhong Li
- Obesity in young children with autism spectrum disorders: prevalence and associated factors / Anna M Egan, Meredith L Dreyer, Cathleen C Odar, Malia Beckwith, Carol B Garrison
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Nous vous laissons discuter de ces points avec un médecin ou un.e spécialiste en nutrition qui pourra vous éclairer davantage sur d'éventuels liens entre addiction au sucre et troubles autistiques.
Bonne journée.