Quelle est l'histoire du service "Poste Restante" en France ?
Question d'origine :
bonjour,
pourriez-vous m'aider à déterminer de quand date le service "Poste Restante" en France, son histoire en quelque sorte ?
Par avance , Merci
bien à vous
Réponse du Guichet
Il semble que le principe de poste restante soit aussi vieux que les services postaux. L'expression, en tout cas, date au moins du milieu du XVIIIè siècle, et la distribution efficace du courrier à domicile n'a commencée à être systématisée en France qu'à partir de 1829.
Bonjour,
Nous n'avons pas trouvé de date précise pour la création de la poste restante. Un glossaire du Comité pour l'histoire de la poste indique la date de 1886, mais cela nous paraît suspect : d'une part, la page ne donne aucune source, mais on trouve des acceptions de l'expression "poste restante", dans un sens absolument identique, dès 1754 dans un Dictionnaire des postes (une sorte de proto-annuaire) consultable sur Gallica :
Ceux qui voyagent se font souvent adresser leurs Lettres Poste restante, ou dans les endroits où ils doivent loger & séjourner [...].
En réalité, se déplacer au bureau de poste pour aller chercher son courrier a longtemps été la norme, notamment avant l'adoption de la tarification moderne. Tout d'abord parce qu'avant l'introduction du timbre-poste en 1849, un système de tarification extrêmement complexe était en usage. Le port de lettres à domicile était facturé, de façon progressive selon la distance, au destinataire. Nous vous laissons découvrir le dossier De l’utilisation du decime rural du 1er avril 1830 au 31 décembre 1846 réalisé par l'Asso philatélique de Montpellier, toujours est-il que selon l'article de Sébastien Richez Des éléments révélateurs de la société française : trafic postal et activité du service aux XIXe et XXe siècles, paru en 2002 dans Histoire, économie & société, le début du XIXè siècle a été un grand adepte de la poste restante :
En 1847, on recevait peu de lettres provenant du même arrondissement postal (19 % du total). Un arrondissement postal était une circonscription administrative, délimitant un espace géographique plus ou moins étendu, desservie par les tournées d'un établissement postal. La correspondance dite locale régressa encore au début du XXe siècle, atteignant 1,3 % du volume. Les causes de ces infériorités manifestes étaient diverses selon les époques. Au milieu du siècle dernier, les populations de ces communes qui correspondaient préféraient obtenir leur courrier poste restante au bureau desservant et l'y faire prendre, plutôt que de s'astreindre au paiement du décime rural et aux lenteurs de la distribution. De plus, l'échelle de l'arrondissement
postal se calquait en gros sur l'espace de communications que les ruraux considéraient encore comme franchissable, soit un cercle d'une dizaine de kilomètres autour du domicile: cela expliquait aussi qu'on préférait encore se déplacer que d'écrire pour communiquer.
L'article "Les bureaux de poste en France" de Jean-Marc Offner, paru dans FLUX Cahiers scientifiques internationaux Réseaux et Territoires en 1999 nous apprend également qu'aucun service de distribution à domicile réellement efficace n'a couvert le territoire français avant 1829 :
En 1 653, la « petite Poste » est créée à Paris, avec service de boîtes aux lettres et distribution du courrier à domicile. Mais l'expérience périclite au bout de quelques années. Il faudra attendre plus d'un siècle pour que l'idée soit reprise, d'abord à Paris puis dans les grandes villes de province. Entre temps, Louis XIV aura assuré le monopole de l'État sur une activité financièrement très intéressante. Jusqu'à la Révolution, on comptera environ un millier de bureaux de poste. En 1793, la Convention institue la gestion directe de la poste par l'État.
[...]
La création par l'État du service des mandats postaux, en 1817, va favoriser une première expansion du réseau. En 1828, il est décidé de relier entre eux au moins une fois par jour tous les bureaux du territoire, les correspondances étant par ailleurs frappées d'un cachet à date. Une enquête est demandée aux Préfets pour évaluer les besoins de distribution dans les campagnes. En 1 829 est prise la décision qui va révolutionner le système : le principe d'une distribution quotidienne (ou tous les deux jours) à domicile, et non plus uniquement aux bureaux (où les paysans ne venaient pas retirer leur courrier !) C'est en ces termes que le baron de Villeneuve présente aux députés le projet de loi relatif à l'établissement d'un service de poste dans toutes les communes du royaume :
« II y a en ce moment en France 1 799 bureaux ou distributions de poste. Les communes dans lesquelles sont situés ces établissements reçoivent leurs dépêches tous les jours avec une promptitude remarquable, mais les autres, c'est-à-dire les 35 587 communes dépourvues de relations directes avec la poste sont forcées d'envoyer à leurs frais lettres et journaux dans le bureau le plus voisin. Dans quelques
localités, les habitants se cotisent pour organiser un transport commun ; dans beaucoup d'autres, on attend en paix que quelque occasion fortuite, ou le passage hebdomadaire du piéton de la sous-préfecture vienne mettre dans les mains des destinataires des lettres vieillies dans les casiers de la direction. Le même inconvénient se fait ressentir pour le départ des lettres. Le nouveau projet établit dans chaque commune du royaume une boîte aux lettres où tout individu pourra jeter sa correspondance pour toute espèce de destination, et il attache à chaque bureau ou distribution de poste un nombre suffisant de facteurs piétons offrant des garanties désirables chargés de porter à domicile, tous les deux jours, les dépêches arrivées au bureau d'où ils dépendent (...).
Il suffirait de ce simple exposé pour faire sentir l'immense avantage qui va résulter pour la majeure partie de la population de l'établissement du nouveau service, mais cette amélioration n'est pas la seule que la poste s'est proposée. Dans les petits bureaux, il n'y a point de facteurs, et dans les grands leur nombre est insuffisant ; on est donc obligé d'envoyer chercher au guichet ses lettres, ses journaux, obligation pénible, surtout si l'on habite un hameau ou un faubourg éloigné. Par le projet de loi, les lettres seront maintenant remises sans nouveaux frais au domicile de chaque habitant des communes où sont situés les bureaux ou distributions. Les populations agglomérées, les châteaux isolés apprécieront ce perfectionnement » [cité par le rapport Larcher, 1998].
Ce qui nous incline à vous répondre ainsi : la poste restante est née avec le progressif développement de la poste à partir de la Renaissance, et la distribution systématique du courrier au XIXè siècle.
Pour la petite histoire, sachez également que la poste restante a toutefois été longtemps été perçue comme un moyen de communiquer en toute discrétion. Jusqu'à une circulaire de 1914, reproduite sur le blog du Cercle philatélique lexovien, "il était possible d’expédier du courrier à un destinataire en poste restante en indiquant juste des initiales et/ou des chiffres en remplacement des nom et prénom [...]Cette possibilité existait depuis 1832: Cette faculté était citée pour la première fois à l’article 530 de l’Instruction Générale de 1832. L’article 728 de celle de 1899 ajoute les chiffres aux initiales."
Selon Wikipédia, le service en écopa donc de doux sobriquets tels que "boîte à cocus" ou "boîte à cornes"... c'est pourquoi on trouve sur Gallica tant de vaudevilles, comédies, romans à deux sous intitulés ou contenant les posts "poste restante".
Bonne journée.