Que s'est-il passé durant la bataille de "Canne della bataglia" ?
Question d'origine :
Que s'est-il passé durant la bataille de "Canne della bataglia" ?
Réponse du Guichet
La bataille de Cannes est considérée comme "la plus grande bataille de toute l'Antiquité" selon l'historien François Decret (dans Carthage ou l’empire de la mer, 1977, p. 190).
Bonjour,
Vous souhaitez des informations sur la bataille de Cannes (ou Cannae en latin), une citadelle se trouvant dans la région des Pouilles au Sud-Est de l’Italie. Cette bataille a pour contexte la deuxième guerre punique (218 à 202 av. JC), opposant alors Rome et Carthage dans une volonté de contrôler le territoire sicilien. La Sicile est au début de la guerre une thalassocratie punique mais dont le territoire terrestre est sous autorité romaine.
Racontée par deux auteurs de l’époque, Polybe et Tite-Live, elle est considérée comme l’une des plus grandes batailles de l’Antiquité… si ce n’est la plus grande ! Elle a aussi été érigée comme modèle en terme de tactique pour les siècles à suivre en tant que l’une des plus grandes batailles de l’histoire militaire.
Cette bataille débute alors que les Carthaginois envahissent la péninsule italienne, prennent et pillent tour à tour des villages et des petites villes de la région, tactique visant à déstabiliser Rome. En se faisant, ils sont victorieux d’abord à la Trébie en 218 av. JC puis de nouveau en 217 av. JC au lac de Trasimène. Ces deux réussites les conduisent à contrôler une partie du nord de l’Italie et à continuer leur progression. De leur côté, les Romains craignent que Carthage ne marche sur Rome mais décident toutefois stratégiquement de mener une guerre d’usure : en étant malgré tout numériquement supérieurs, ceux-ci attendent donc que les Carthaginois s’épuisent plutôt que de déclarer une guerre ouverte.
C’est dans ce contexte et par leur grande avancée militaire, qu’à l’été 216, Carthage se retrouve au sud de l’Italie et plus précisément à Cannes. Cette citadelle, située à proximité du fleuve de l’Ofanto, entreposait notamment les greniers à blés gardés par Rome pour son armée. Il s’agissait donc d’une place stratégique d’une haute importance. En ravitaillant ses troupes, Hannibal eut l’idée de prendre à son tour cette citadelle, ce que les Romains finirent par refuser après deux jours d'hésitation pendant lesquels Hannibal envoya de nombreux raids à leur encontre. Finalement, les deux clans se rencontrèrent le 2 août dans cette bataille, devenue modèle.
Mais que se passa-t-il ce fameux 2 août 216 (av. JC) ?
Hannibal savait que ses troupes étaient inférieures numériquement (soit environ 50 000 hommes) mais il était reconnu pour être un grand tacticien militaire qui connaissait justement très bien ses troupes et leurs spécificités de combat selon leurs ethnies (l'armée carthaginoise étant mixte : Celtes, Ibères d'Espagne, Numidiens etc.). De même, il eût assez l’occasion d’observer les Romains pour connaître leur position et donc savoir leurs avantages comme leurs faiblesses. Tandis que les Romains, de leur côté certes supérieurs en nombre (estimé à environ 80000 hommes), n’en était qu’aux balbutiements de la définition d’une stratégie militaire en tant que telle au sein de son armée.
Ainsi, Hannibal décida stratégiquement de masquer son infériorité numérique en plaçant son armée d’infanterie légère à l’avant pendant qu’une l’infanterie lourde était disposée en forme de croissant à l’arrière. Comme à leur habitude, les Romains se placèrent en formation traditionnelle : trois grandes lignes de 25 000 hommes chacune dont deux de cavalerie sur les côtés avec l’infanterie au centre. Ils avancèrent sur les Carthaginois dont l’infanterie recula, le piège fut enclenché. Les Romains considérèrent alors cela comme un signe positif de leur avancée et continuèrent à s’engouffrer tandis que la cavalerie carthaginoise se replia sur les côtés. Les Romains, étant plus nombreux et en formation linéaire, n’eurent que le choix de continuer à s’engager tandis que les Carthaginois retirèrent le centre de l’infanterie pour le déployer aux extrémités du croissant. En se faisant, ils se replièrent alors sur les Romains qui furent totalement piégés. La cavalerie carthaginoise se retrouva donc à l’arrière des Romains, l’infanterie légère sur leurs côtés et l’infanterie lourde par devant. Les Romains furent totalement encerclés.
En quelques heures, l’armée romaine est défaite dans un vrai massacre.
Niveau pertes, Polybe a comptabilisé au nombre de 70 000 les pertes romaines (sur 76 000 au total) tandis que Tite-Live rapporte environ 48 000 pertes au global. Du côté adversaire, Polybe estime les pertes à 5 700 hommes et Tite-Live à 8 000.
Cette bataille, exceptionnelle d’un point de vue tactique, permis de montrer le génie militaire d’Hannibal, déjà connu, mais qui fut après cette victoire à son apogée. De leur côté, les Romains effrayés de l'avancée carthaginoise, craignaient définitivement que Carthage marche sur Rome. Mais la guerre ne fut pas terminée… Car de cette appréhension naquit un esprit de vengeance parmi toute une population, esprit incarné entre autres, en la personne de Scipion l’Africain et qui mena finalement Rome à la victoire.
Pour aller plus loin sur le sujet, nous vous conseillons de consulter directement les sources antiques :
Les Histoires de Polybe dont le passage qui vous intéresse se trouve au livre III paragraphe 113 à 116.
L'Histoire de Rome depuis sa fondation de Tite-Live dont le passage correspondant est le livre XXII chapitre 50.
Les guerres puniques par Polybe, Tite-Live, Appien; édition présentée par Claudia Moatti, Folio, 2009.
Mais également ces sources contemporaines :
Hannibal : l'ennemi de Rome de Christophe Burgeon, Ellipses, 2023.
Histoire militaire des guerres puniques : 264-146 av. J.-C de Yann Le Bohec, Tallandier, 2014.
Les soldats d'Hannibal : pour une nouvelle approche de l'emploi tactique des Celtes : l'exemple de la deuxième guerre punique de Luc Baray, CNRS éditions, 2019.
Les soldats d'Hannibal de Ouiza Aït Amara, éditions Maison, 2010.
La bataille de Cannes et ses fantômes de Robert L. O'Connell, éditions Laville, 2012.
En vous souhaitant d'agréables lectures ! :)