Au XVIIIe siècle à Lyon pourquoi cette place s'appelait "place ou pré des repentis" ?
Question d'origine :
Bonjour, au 18e siècle il existait à la Guillotière , à la droite du pont une place dite "place des Dances" devenue ensuite "place ou pré des Repentis". Sait on pourquoi ce nom ?
Merci de votre réponse, cordialement
Marc C.
Réponse du Guichet
La place n'a trouvé son nom officiel, Place du Repentir, qu'en 1842. Jusque là, l'usage la désignait tour à tour sous l’appellation « du Repentir » ou « des Repentirs ». Elle devient Place de la Fraternité en 1848, avant d'être fusionné avec la place du Pont, attenante, en 1855.
Elle emprunte vraisemblablement son nom au terrain qui la jouxtait, le pré des Repenties ou pré des Repentirs.
Quant à l'origine de ce nom, il demeure, comme le suggère Vanario, « inconnue ».
Bonjour,
Merci d'avoir joint vos sources, c'est toujours plus facile de connaître l'origine d'une question pour y répondre. Malheureusement vous ne citez pas l'origine des plans, notamment concernant le premier, daté de 1977 (le second semble être le plan Mornand daté de 1710 - cf. Forma urbis : les plans généraux de Lyon, XVIe-XXe siècles ). Il convient également de noter que d'après ce plan, le nom exact du lieu-dit est « pré des repenties ».
Nous débutons nos recherches avec Montfalcon :
PONT (Place du) : du cours de Brosses à la grande rue de la Guillotière. Ancienne place des Repenties.
source : Histoire monumentale de la ville de Lyon (Volume 6), par Jean-Baptiste Monfalcon · 1866 (p.138)
Nous n'avons cependant pas trouvé de référence à cette « place des Repenties » dans les documents d'époque ; en revanche, on la retrouve sous différentes appellations, par exemple:
- en 1825, une transaction « Entre les soussignés, il est convenu ce qui suit: Le sieur Piolat de La Guillotière subroge M. Viton Henri, propriétaire à Lyon, au bail ou adjudication de la lóne et de la plate, qui est établie en aval du pont de La Guillotière, entre la place des Repentirs et la propriété de Comballot, qui lui a été passée par l’administration des domaines au mois de septembre dernier. », cité dans Premier Mémoire aux autorités publiques pour plusieurs habitants de la Guillotière, sur un système d'envahissement du domaine public de l'Etat, etc, 1826, note page 11.
- en 1834, dans Cour des Pairs. Affaire du mois d'avril 1834 : Acte d'accusation, il est stipulé que le dénommé DESPINAS Antoine âgé de 26 ans, ouvrier en soie né à Reggio, est domicilié à la Guillotière près Lyon au n°2 de la place du Repentir.
- en 1846, c'est à un M. Chappuis, licencié en droit, habitant au n°3 de la place du Repentir, qu'il est référence dans l'Annuaire administratif et commercial de Lyon et du département du Rhône.
- en 1848, Le Journal de la Guillotière a ses bureaux au 3 place des Repentirs nous apprend l'Annuaire administratif et commercial de Lyon et du département du Rhône de 1848.
En outre, voilà ce qu'on pouvait lire en 1847 dans Nomenclature des rues, passages, places, quais, ponts, chemins, cours, avenues, rampes et montées de la ville de Lyon, des communes de la Croix-Rousse, Vaise et la Guillotière :
Pont (place du): La Guillotière Nord, attenante cours de Brosses, place des Repentirs, Grande rue, rues de Chartres, Moncey, Saint-Clair, cours Bourbon et rue Montebello – Notre Dame de la Guillotière pour le côté de l’est entre Grande rue et cours Bourbon, paroisse de Saint-André pour tout le reste; 4e arrondissement électoral, 7e arrondissement administratif.
ou en 1849 dans le Dictionnaire historique des rues, places, ports, quais, ponts de la ville de Lyon et de la Croix-Rousse, de Vaise, des Brotteaux et de la Guillotière :
Repentirs (place des) : elle communique avec le cours de Brosses, la place du Pont, la Grande Rue, les rues de Béchevelin, Saint André, Passet et Basse Combalot; c'est aujourd'hui la place de la Fraternité.
La place du Pont a donc existé en même temps que la place des Repentirs, contrairement à ce que laisse entendre Montfalcon pour qui il s'agirait de la même place.
Que nous dit Vanario à ce sujet ? Dans ses Rues de Lyon à travers les siècles, à l'entrée Place du Repentir :
Origine inconnue.
S'est aussi appelée des Repentirs, et même des Repenties.
Attesté en 1827.
Attribué officiellement le 15 mai 1842 (dél. C.M. Guillotière).
Place de la Fraternité 1848.
A été englobé dans la place du Pont, partie sud (1855), aujourd'hui Place Gabriel-Péri.
La place n'a trouvé son nom officiel, Place du Repentir, qu'en 1842. Jusque là, l'usage la désignait tour à tour sous l’appellation « du Repentir » ou « des Repentirs ». Elle devient Place de la Fraternité en 1848, avant d'être fusionné avec la place du Pont, attenante, en 1855.
Dans un ouvrage récent, Lyon, Silhouettes d'une ville recomposée, on peut également lire : « En 1807, [Combalot, brasseur de bière,] acquiert des terrains sur l'île de Plantigny ou pré des Danses ou des Repentirs pour y construire. ». Il se trouve en effet que le pré des Repenties, acheté en 1807 par le sieur Combalot à la veuve Pierron, fit l'objet d'un âpre contentieux à l'origine de quelques mémoires procéduriers dont nous vous suggérons la lecture si le développement de la Guillotière à l'aube du XIXe siècle vous intéresse :
Dans ces documents, il est question du Pré des Repentirs, semble-t-il séparé du pont de la Guillotière par une place publique ; c'est elle qui probablement prendra le nom de Place du Repentir.
Le pré des Repentirs est attesté bien avant son appropriation par Combalot : Le plus ancien des titres de propriétés connus remonte au 3 septembre 1751. « C'est une vente du pré des Repentirs par la ville de Lyon à de Regnaud, chanoine d'Ainay. La propriété vendue y est confinée par le pont du Rhône, une place servant de descente dudit pont pour aller au susdit pré et le long du fleuve du Rhône. »
On sait également qu'« en 1769, Jean-Etienne Laboré obtient le monopole pour la vidange des fosses d'aisance. Il lui est demandé de recueillir la matière dans des tonneaux fermés, de l'enlever au petit matin et de l'entreposer dans des lieux réservés, à savoir le pré des Repenties, sur la rive gauche du Rhône. » (source: Voisins, voisines, voisinage : les cultures du face-à-face à Lyon à la veille de la Révolution, p.266 )
C'est donc entre 1710 (date du plan de Mornand où le pré est désigné sous le nom pré des Danses) et 1751 que le pré acquiert son nom définitif, avant de le transmettre à la place qui le jouxte. Les raisons de ce changement de nom nous sont inconnues.
Revenons au Premier Mémoire aux autorités publiques ; on peut y lire :
Cette tête de pont et les fortifications qui la protégeaient n’avaient pu être établies que sur des terrains appartenant au gouvernement ou à la ville et supposaient que de tout côté il existait un espace libre servant à isoler tous ces points de défense et formant dépendance du domaine public comme tous ces ouvrages Aux terrains occupés par la tête du pont et ses défenses la ville de Lyon avait réuni par un acte du 16 septembre 1383 d’autres terrains qu’elle consacra à des usages publics et aux délassements du peuple. En l’année 1792 elle céda tous ces terrains ainsi que ses autres propriétés au gouvernement en compensation de ses dettes dont il se chargea. L’acte de cession justifie ce que nous venons de dire qu’une partie des terrains demeurée vague servait aux promenades récréations et délassements du peuple. Il contient en conséquence la demande ou plutôt la condition que ce territoire continue à être classé au rang des JOUISSANCES ET PROPRIÉTÉS ACQUISES AU PUBLIC au service duquel il est nécessaire et depuis longtemps consacré. Telle fut, y est-il dit, sa destination lors de l’acquisition que l’administration de la ville en fit par acte du 16 septembre 1383. Dans cette destination s’est particulièrement trouvée une place publique réservée en aval des fortifications entre le pont au nord et une propriété particulière au midi appelée le pré des Danses ou des Repentirs appartenant aujourd’hui au sieur Comballot, et entre un bras du Rhône navigable alors situé à l’occident et une maison située à l’orient possédée maintenant par le sieur Charbonnier. La longueur de cette place du nord au midi était d’environ 110 mètres sur environ 30 mètres de largeur moyenne. Cette place dont le terrain est aujourd’hui d’un grand prix est devenue un grave sujet de contestations entre le sieur Comballot qui a prétendu s’en emparer la ville de La Guillotière qui a longtemps résisté à l’usurpation le sieur Charbonnier qui a intérêt comme propriétaire voisin à la conservation de la place et un grand nombre d’habitants qui se sont unis au sieur Charbonnier et à la ville.
Le mémoire met l'accent sur l'usage des terrains entourant le bras du pont de la Guillotière, et particulièrement celui de la future place. On y voit évoqué le « pré des Danses », ancien « pré aux Repenties », dont le nom pouvait se justifier par le fait qu'en ces lieux « une partie des terrains demeurée vague servait aux promenades récréations et délassements du peuple ». Les Lyonnais à l'époque venaient en effet prendre l'air sur les bords du Rhône, à la Guillotère. De là à y voir l'origine du nom du pré des Danses...
Nous espérons que ces éléments s'ils ne répondent pas à votre question vous aideront néanmoins à avancer dans vos recherches,
Cordialement.